[Jurisprudence] Salariés détachés : le certificat A1 ne fait pas obstacle à la condamnation pour travail dissimulé et ne s’impose pas au juge national en cas de faux matériel.
Published on :
27/06/2022
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En cas d’accueil de salariés détachés, les entreprises doivent redoubler de vigilance et s’assurer du respect des conditions légales du détachement.
Cass. crim., 17 mai 2022, n° 21-85.246, Lexbase : A20167XXPublication LEXBASE - Hebdo édition sociale n°911 du 23 juin 2022 : Droit pénal du travail
par Cécile Cottin-Dusart, Avocate au barreau de Toulouse et associée au sein du département Mobilité internationale et Oréa Richert, élève avocate et juriste au sein du cabinet Vaughan Avocats.
En matière de lutte contre le travail illégal et de dumping social, les institutions de contrôle disposent de pouvoirs exorbitants et d’un véritable arsenal répressif pour lutter contre ces phénomènes menaçant la pérennité du système de sécurité sociale.
Le certificat A1, qui atteste de la législation de sécurité sociale applicable, a longtemps constitué un rempart s’imposant au juge national. Depuis 2018, l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de la Cour de cassation (Chambres sociale, civile et criminelle) est venue affaiblir pas à pas sa portée pour permettre en juge national de l’écarter en cas de fraude, sous réserve du respect de la procédure de dialogue instituée par l’Union européenne et de son retrait par l’institution émettrice ou de l’abstention de celle-ci de prendre position.
Dans son arrêt du 17 mai 2022, la Chambre criminelle renforce sa jurisprudence et les principes communautaires en confirmant la possibilité de condamner pour travail dissimulé malgré l’existence d’un certificat A1 mais surtout en jugeant que le certificat peut être écarté même en l’absence de procédure de dialogue, en cas de faux matériel.
Des salariés de trois entreprises portugaises ont été détachés auprès d’une société française pour travailler sur des chantiers en France pour lesquels cette société intervenait en qualité d’entreprise principale. Les salariés n’étaient pas affiliés à la Sécurité sociale mais maintenus sous Sécurité sociale portugaise, sous couvert de certificats A1.
En 2016, la société française d’accueil a fait l’objet de contrôles de l’inspection du travail à la suite de la réception des déclarations de détachement déposées auprès de l’inspection du travail. S’en sont suivis des procès-verbaux de la DIRECCTE (désormais DREETS) et l’URSSAF Rhône Alpes et une citation directe de la société française et de son directeur général devant le tribunal correctionnel « du chef de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés et pour s’être soustraits aux déclarations auprès des organismes sociaux et fiscaux au moyen d’un montage juridique frauduleux en ayant recours à des entreprises sous-traitantes, les sociétés portugaises».
Par jugement du tribunal correctionnel du 14 mars 2019, la société française a été condamnée à 25 000 € d’amende et son directeur général à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 € d’amende pour travail dissimulé. L’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 30 juin 2021 a confirmé ce jugement. La société française et son directeur général se sont alors pourvus en cassation.
Si, dans les deux premiers moyens, les requérants contestent la régularité de la procédure et notamment l’intervention au procès pénal de l’administration à l’origine des poursuites ainsi que l’absence d’interprète lors des contrôles, ils contestent, dans le dernier moyen, leur condamnation pour travail dissimulé au motif qu’ils sont titulaires d’un certificat A1 qui n’a pas été invalidé par l’institution émettrice, la procédure de dialogue n’ayant d’ailleurs pas été respectée.
L’arrêt du 17 mai 2022 donne l’opportunité à la Cour de cassation de se prononcer d’une part sur la limitation relative de la valeur du certificat A1 en matière de Sécurité sociale (I.). En effet, le certificat A1 s’impose au juge national et peut être écarté uniquement en cas de fraude et à condition que l’institution émettrice ait été saisie ou, et c’est le principal apport de cet arrêt, en cas de faux matériel. D’autre part, cette affaire a permis à la Chambre criminelle de confirmer sa jurisprudence récente qui vient limiter de façon plus absolue la portée du certificat A1 en droit du travail
(II.).
Le certificat A1, qui atteste de la législation de sécurité sociale applicable, a longtemps constitué un rempart s’imposant au juge national. Depuis 2018, l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de la Cour de cassation (Chambres sociale, civile et criminelle) est venue affaiblir pas à pas sa portée pour permettre en juge national de l’écarter en cas de fraude, sous réserve du respect de la procédure de dialogue instituée par l’Union européenne et de son retrait par l’institution émettrice ou de l’abstention de celle-ci de prendre position.
Dans son arrêt du 17 mai 2022, la Chambre criminelle renforce sa jurisprudence et les principes communautaires en confirmant la possibilité de condamner pour travail dissimulé malgré l’existence d’un certificat A1 mais surtout en jugeant que le certificat peut être écarté même en l’absence de procédure de dialogue, en cas de faux matériel.
Des salariés de trois entreprises portugaises ont été détachés auprès d’une société française pour travailler sur des chantiers en France pour lesquels cette société intervenait en qualité d’entreprise principale. Les salariés n’étaient pas affiliés à la Sécurité sociale mais maintenus sous Sécurité sociale portugaise, sous couvert de certificats A1.
En 2016, la société française d’accueil a fait l’objet de contrôles de l’inspection du travail à la suite de la réception des déclarations de détachement déposées auprès de l’inspection du travail. S’en sont suivis des procès-verbaux de la DIRECCTE (désormais DREETS) et l’URSSAF Rhône Alpes et une citation directe de la société française et de son directeur général devant le tribunal correctionnel « du chef de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés et pour s’être soustraits aux déclarations auprès des organismes sociaux et fiscaux au moyen d’un montage juridique frauduleux en ayant recours à des entreprises sous-traitantes, les sociétés portugaises».
Par jugement du tribunal correctionnel du 14 mars 2019, la société française a été condamnée à 25 000 € d’amende et son directeur général à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 € d’amende pour travail dissimulé. L’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 30 juin 2021 a confirmé ce jugement. La société française et son directeur général se sont alors pourvus en cassation.
Si, dans les deux premiers moyens, les requérants contestent la régularité de la procédure et notamment l’intervention au procès pénal de l’administration à l’origine des poursuites ainsi que l’absence d’interprète lors des contrôles, ils contestent, dans le dernier moyen, leur condamnation pour travail dissimulé au motif qu’ils sont titulaires d’un certificat A1 qui n’a pas été invalidé par l’institution émettrice, la procédure de dialogue n’ayant d’ailleurs pas été respectée.
L’arrêt du 17 mai 2022 donne l’opportunité à la Cour de cassation de se prononcer d’une part sur la limitation relative de la valeur du certificat A1 en matière de Sécurité sociale (I.). En effet, le certificat A1 s’impose au juge national et peut être écarté uniquement en cas de fraude et à condition que l’institution émettrice ait été saisie ou, et c’est le principal apport de cet arrêt, en cas de faux matériel. D’autre part, cette affaire a permis à la Chambre criminelle de confirmer sa jurisprudence récente qui vient limiter de façon plus absolue la portée du certificat A1 en droit du travail
(II.).
I. La limitation relative de la valeur du certificat A1 en matière de Sécurité sociale
Le certificat A1 atteste de la législation de Sécurité sociale et permet à une entreprise étrangère qui envoie des salariés dans un autre pays de l’Union européenne de ne pas cotiser à la Sécurité sociale du pays d’accueil en maintenant les cotisations sociales dans le pays d’origine.
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